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Ashley Monture, Mohawk et Crie, termine sa dernière année de médecine à l’Université du Manitoba. En 2023, Ashley a remporté la Bourse d’études pour les étudiants autochtones en médecine de la Fondation pour l’avancement de la médecine familiale (FAMF), généreusement soutenue par la Gestion financière MD et Banque Scotia.

La Dre Marlyn Cook, CCMF, est médecin de famille et appartient à la Nation crie de Misipawistik. La Dre Cook est la première femme des Premières Nations diplômée de l’Université du Manitoba. Elle a travaillé dans tout le Canada, au sein de communautés rurales et nordiques éloignées. Ashley est sa fille.

La Dre Mandy Buss, CCMF, est médecin de famille métisse, présidente de l’Association des médecins autochtones du Canada et membre du Comité sur la santé autochtone du Collège des médecins de famille du Canada.

La Dre Buss s’entretient avec la mère et la fille au sujet de leurs expériences à la faculté de médecine et de leur passion pour la médecine de famille.
 
Cette entrevue a été révisée pour plus de concision.

Ashley, comment vous êtes-vous orientée vers la faculté de médecine ?

Ashley : Cela tient en grande partie à ce que j’ai vu quand je visitais différentes communautés avec ma mère. Dans certains de mes premiers souvenirs, je la suivais au travail et je voulais l’aider lorsqu’elle était avec des patients. Il y a une histoire qu’elle raconte au sujet d’un patient qui était venu la consulter pour des douleurs thoraciques. J’ai disparu un instant et ils m’ont retrouvée avec le patient tourné sur le côté du lit qui me laissait examiner ses oreilles.

Marlyn : J’entre et il est couché sur la civière sur son côté droit ; elle est debout sur le petit tabouret et regarde dans son oreille avec l’otoscope.

Ashley : On vivait à Moose Factory, en Ontario, quand j’ai commencé à envisager plus sérieusement de faire mes études en médecine. Alors, j’ai quitté la communauté et ma mère à 16 ans pour aller étudier dans un pensionnat en banlieue de Toronto.

Quelle a été votre expérience en faculté de médecine jusqu’à présent, Ashley ?

Les premières années ont été difficiles. C’était un gros changement. J’ai souffert du syndrome de l’imposteur, et je me suis demandé si j’étais à ma place. En même temps, j’ai rencontré beaucoup de gens formidables, je me suis fait beaucoup de bons amis et on s’est entraidés tout au long de nos études.

Marlyn, comment votre communauté vous a-t-elle soutenue en tant que médecin de famille autochtone ?

Je suis mère célibataire, alors j’ai eu beaucoup d’aide des gens de la communauté. Ashley a pratiquement été élevée au poste de soins infirmiers. Elle connaissait la joie que procure l’exercice de la médecine dans le Nord : on fait tellement de choses, on est impliqués, on aide les gens autant qu’on le peut.

Autrefois, la Loi sur les Indiens interdisait aux membres des Premières Nations d’entrer à l’université pour devenir médecin, à moins d’abandonner leur identité autochtone. Donc il y a peu de parents et enfants autochtones qui sont médecins. Qu’est-ce que cela vous fait d’être médecin de deuxième génération, Ashley ?

Lorsque ma mère était à la faculté de médecine, ils n’étaient que trois Autochtones. C’est vraiment fabuleux de voir une deuxième génération. J’ai un camarade de classe métis dont la mère est aussi médecin de famille. Et une année en dessous, il y a un autre duo parent-enfant autochtone. C’est quelque chose qu’on va voir davantage, avec un peu d’espoir, et ça montre qu’on peut réussir dans ce domaine, qu’on est à notre place et qu’on mérite aussi d’être dans ce programme.

Ashley, qu’est-ce que cela signifie d’entrer à la faculté de médecine lorsqu’on a un parent qui est médecin autochtone ?

Cela a été utile. Lorsqu’il se passait quelque chose ou si j’avais des questions, je pouvais en parler à ma mère. Mais je pouvais lui parler comme à une collègue, pas seulement comme à ma mère. En même temps, il y avait aussi un peu de pression, surtout quand les gens réalisaient qui était ma mère. Je me souviens d’un médecin qui, pendant qu’il nous faisait visiter la faculté, a dit : « Elle, c’est la fille de la Dre Cook et il sera difficile de lui succéder ».

Marlyn, qu’avez-vous ressenti lorsque votre fille est entrée à la faculté de médecine ?

J’avais peur pour elle. Le passage était plus facile pour les personnes qui n’étaient pas visiblement autochtones. Une fois, quand j’étais étudiante en médecine, le responsable de la néphrologie a dit, en parlant d’un patient mourant, « et toute la fichue tribu est là ». Je n’ai pas aimé la tournure que prenait la conversation, alors je le lui ai dit et il m’a hurlé après devant les autres étudiants. Il y a eu tellement d’incidents comme celui-ci, d’un racisme évident. Et je savais que cela existait encore, donc j’avais peur. Je savais aussi que ce serait beaucoup de travail.

Ashley, en quoi cela a-t-il influencé votre décision d’entrer en médecine ?

Ça m’a fait me demander si c’était quelque chose que je voulais faire ou si c’était parce que j’y avais été tellement exposée en grandissant. Ma mère m’a préparée à la réalité des études en médecine et du travail de médecin en communauté. Avec toute cette information entre les mains, j’ai décidé par moi-même que c’est ce que je voulais faire.

Marlyn, est-ce que vous voyez des similitudes entre ce que vous avez vécu à la faculté de médecine et ce qu’Ashley traverse aujourd’hui ?

Le racisme est toujours présent. Je pense que nous avons avancé par rapport à cette époque, parce que la faculté de médecine, le personnel, ils étaient habitués à faire les choses d’une certaine façon, alors que maintenant, les étudiants plus jeunes et le public s’expriment davantage. Ashley a aussi grandi avec les remèdes sacrés et les cérémonies traditionnelles ; c’est quelque chose que nous n’avions pas lorsque nous étions enfants, parce qu’on nous l’avait enlevé. Ashley est danseuse du soleil et gardienne du calumet, et ça lui donne de la force.

Ashley, votre mère vous a-t-elle déjà parlé de son expérience du racisme à la faculté de médecine ? Pensez-vous que les choses ont changé aujourd’hui ?

Pendant ses études prémédicales, elle a subi plus de racisme affiché. Je pense que c’est bien plus subtil aujourd’hui. Vous terminez une interaction en pensant « C’était un peu bizarre » ou « Ça m’a mise mal à l’aise ». Et vous vous demandez pourquoi ça s’est passé ou ce qui s’est passé, au juste. Je pensais voir plus d’incidents de racisme. Une de mes amies m’a dit qu’on en voit plus avec la peau blanche. Les gens font plus attention lorsque votre peau n’est pas blanche. Donc, le racisme est toujours là, mais il est mieux dissimulé.

Ashley, quel domaine de la médecine vous intéresse ?

Ça a toujours été la médecine de famille. J’ai toujours voulu travailler dans le Nord et faire comme ma mère. Je veux retourner dans les communautés où j’ai vécu pour y travailler. C’est une bonne façon de redonner aux communautés.

Marlyn, quels conseils donneriez-vous à Ashley en tant que médecin de famille qui exerce dans des communautés nordiques, éloignées et autochtones ?

Je lui suggérerais de travailler dans une communauté qui dispose de plus qu’un médecin pour avoir du soutien. Elle devrait aussi téléphoner aux urgentologues, aux cardiologues ou autres spécialistes, et leur dire : « J’ai ce patient et j’ai besoin de vos conseils ». Ils sont toujours disposés à vous parler et à vous conseiller.

Ashley et Marlyn, quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui s’intéressent à la médecine de famille ?

Marlyn : C’est la seule façon d’exercer la médecine ! Je pense que dans nos communautés, vous devez être médecin de famille. Et même si la faculté de médecine peut être difficile pour les jeunes qui viennent de communautés rurales et nordiques et de réserves, ce sont aussi ces diplômés qui reviennent travailler dans leurs communautés.

Ashley : Je dirais que c’est une excellente spécialité. C’est très varié. Ça vous expose à beaucoup de choses différentes. Vous jouez un rôle vraiment important dans la vie de vos patients.

Quel conseil donneriez-vous aux étudiants en médecine autochtones ?

Ashley : Vous méritez d’être à la faculté de médecine. Vous êtes à votre place. N’en doutez jamais. Ce n’est pas pour rien qu’on vous a choisis pour intégrer ce programme.

Marlyn : Je leur dis toujours de simplement persévérer. C’est beaucoup de travail, mais vous allez y arriver. Je pense qu’aucun étudiant autochtone ne devrait échouer. Si des étudiants autochtones échouent, c’est que le système a un problème. C’est à nous, en tant que médecins plus âgés, de porter, de pousser et d’encourager les étudiants jusqu’à la ligne d’arrivée. Lorsque 20 étudiants autochtones ont été acceptés à la faculté de médecine et que Radio-Canada n’arrêtait pas d’en parler, j’ai dit : « Ne nous réjouissons pas tant que ces 20 étudiants n’ont pas franchi la ligne d’arrivée ». Nous devons nous assurer que chaque étudiant passe la ligne d’arrivée.

Je suis inspirée par votre travail, Marlyn, et par le chemin que vous avez frayé pour nous. Ashley, je suis très heureuse que vous continuiez à marcher sur ce chemin et que vous encouragiez d’autres étudiants issus des Premières Nations, métis et inuits à entrer en médecine et à témoigner de la façon dont ils ont surmonté les difficultés et de la force qu’ils en ont tiré.

Meegwetch.

 
Marlyn and Ashley

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